Étude résidence alternée
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Études scientifiques sur la résidence alternée

La garde ou résidence alternée est-elle bénéfique pour les enfants ? Beaucoup de parents se posent la question et les spécialistes de la petite-enfante (docteurs, chercheurs, pédopsychiatres) ne sont pas tous d’accord sur les différentes études scientifiques internationales. Cette analyse pourra éclairer les parents séparés qui cherchent un mode de garde adapté au bien-être de leur(s) enfant(s).

Une semaine chez maman, une semaine chez papa, sur le papier l’idée semble séduisante. Mais est-ce que cette organisation est vraiment adaptée à votre enfant ? C’est une question que se posent de plus en plus de couples au moment de leurs séparations.

Chaque jours en France, plusieurs dizaines de divorces sont officialisés devant un juge. Mais le chiffre précis est devenu compliqué à calculer. En janvier 2017, il y a eu un changement législatif concernant les divorces. Depuis cette date, la convention établie par les époux et leurs avocats est enregistrée auprès d’un notaire, sauf si un enfant demande à être auditionné. Un jugement n’est donc plus nécessaire ce qui a entraîné une diminution considérable des divorces prononcés par le juge aux affaires familiales.

Mais ce n’est pas pour autant que les couples se séparent moins. Selon les derniers chiffres INSEE (septembre 2021), en France 25% des familles sont monoparentales. Et qui dit rupture avec des enfants dit forcément choix d’un mode de résidence. C’est souvent une décision difficile à prendre. Quand les parents ne sont pas d’accord et qu’une médiation n’a pas pu apaiser les tentions, c’est au juge des affaires familiales de trancher. Et c’est triste à dire, mais en France nous avons des années de retard sur ce sujet.

La justice doit évoluer pour le bien-être des enfants

De nos jours, de plus en plus de parents demandent la résidence alternée. Ils veulent eux aussi s’impliquer dans la construction et l’éducation de leur(s) enfant(s). Le schéma de la femme à la maison qui s’occupe du foyer et de l’homme au travail qui gère sa carrière n’est plus du tout d’actualité. Mais la justice française ne semble pas avoir évolué avec son temps.

Selon les dernières statistiques officielles (2019) des affaires familiales, 97 138 décisions concernant la résidence des enfants ont été prises sur l’année analysée (dossiers acceptés). Ce chiffre est en légère augmentation mais reste assez constant sur les 5 dernières années. Sur l’ensemble des décisions prises par les juges des affaires familiales, les cas de désaccord représentent entre 10 et 15% des dossiers.

Ces situations concernent 10 000 familles par an. Soit environ 14 000 enfants et 20 000 parents.
Sur les 5 dernières années : environ 70 000 enfants et 100 000 parents seraient concernés.

En moyenne 40 dossiers de désaccord sur la résidence d’enfant(s) sont traités chaque jour dans les tribunaux (jours ouvrés)

Ces chiffres s’additionnent chaque année depuis bientôt 20 ans (entrée du principe de résidence alternée dans le code civil en 2002).

Nous avons publié une étude sur les choix de juges en cas de désaccord basée sur les chiffres officiels du gouvernement :

  • Dans 63% des décisions, le juge prononce une résidence chez la mère
  • Dans 24% des décisions, le juge prononce une résidence chez le père
  • Dans 12% des décisions, le juge prononce une résidence alternée.

Le rapport du ministère précise que dans 48% des cas de désaccord, au moins l’un des deux parents demande la résidence alternée. Dans au moins 50% des cas, le juge refuse la mise en place d’une résidence alternée au motif de l’âge de l’enfant ou d’un conflit parental. Pourtant, nous allons vous montrer dans cet article que ces deux critères ne sont pas des motifs de refus cohérents selon les spécialistes.

Les études scientifiques sur la résidence alternée

Spécialistes de l’attachement

Consensus de 70 spécialistes (Monde – 2021)

En janvier 2021, une analyse de consensus cosigné par 70 spécialistes de l’attachement des jeunes enfants a été publiée. Celle-ci traite de l’utilisation des connaissances issues de cette théorie et des résultats des recherches qui en sont issues dans le cadre des décisions de justice relatives à la protection de l’enfance et au mode de résidence dans les situations de séparation parentale.

Europe, États-Unis, Canada, Chine, Japon, Israël, Australie… les expert(e)s qui valident ces études sont issus des plus grandes universités et départements de recherches du monde.

Voici un extrait de la conclusion des spécialistes :

  • Les enfants développent plusieurs relations d’attachement et que cette diversité constitue une véritable chance pour eux.
  • Le développement et maintien d’un véritable « réseau » constitué de plusieurs relations d’attachement est bénéfique pour l’enfant.
  • Accorder la priorité à l’un des parents pourrait compromettre le développement et le maintien des autres relations d’attachement de l’enfant. Dans ce cas, son sentiment de confiance à l’égard des personnes qui prennent soin de lui serait susceptible d’être altéré, impactant durablement sa capacité à s’adapter dans ses différents contextes de vie, comme à la crèche ou à l’école par exemple.

Par ailleurs, les auteurs s’interrogent sur la pertinence des méthodes d’évaluation de la qualité de l’attachement et des comportements parentaux pour éclairer les décisions des juges aux affaires familiales.

SOURCES :

Michel Grangeat

Michel Grangeat (France – 2018)

Maître de conférence en sciences de l’éducation habilité à diriger des recherches. Membre du conseil scientifique de l’enseignement scolaire (CSES) de la DGESCO et membre fondateur du Conseil International sur la Résidence Alternée (CIRA / ICSP), chercheur au LSE et enseigne à l’IUFM de l’Université Grenoble.

Souvent utiliser comme argument par les juges ou les opposants à la résidence alternée, Michel Grangeat part du constat qu’il n’y a pas de compétition entre l’attachement du père et de la mère.

Il s’appuie sur les analyses du professeur Michael Lamb, ancien chef du département psychologie de l’Université de Cambridge au Royaume-Uni. Ce chercheur démontre en regroupant plusieurs études que vouloir quantifier et prioriser les liens d’attachement n’a pas de sens. Les enfants sont prédisposés à construire et à profiter de plusieurs liens d’attachement. Les mères ne sont pas, par nature, plus sensibles et réactives aux enfants que les pères. Le facteur principal qui explique les différences, c’est la quantité de temps passé à interagir avec l’enfant : plus le parent est engagé dans le soin au bébé, plus il devient sensible et réactif à ses signaux.

Ce qui va impacter le développement de l’enfant, ce n’est pas les questions matérielles comme les déplacements d’une maison à l’autre, c’est la qualité de la relation que l’enfant va pouvoir entretenir avec chacun de ses parents. Cette qualité de relation, elle reste dépendante du fait de pouvoir être suffisamment en contact avec le parent. Si l’enfant est privé de voir son père suffisamment il ne peut pas créer de relation d’attachement sécurisante avec lui. C’est un fait.

Michel Grangeat complète et détaille les recherches de William Fabricius (citées ci-dessous) pour démontrer que la résdience alternée est bénéfique même pour les plus jeunes. Quels que soient le niveau de conflit des parents, leur degré d’étude ou leurs revenus. Plus le bébé (1 an) ou le tout petit enfant (2 ans) a passé de nuits avec son père, jusqu’à 50%, plus il aura une relation équilibrée avec ses parents à l’âge adulte.

SOURCES :

Malin Bergström

Malin Bergström (Suède – 2018)

Chercheuse et clinicienne en psychologie à l’institut Karolinska à Stockholm.

Dans une étude scientifique portant sur 3 662 enfants âgés de 2 à 9 ans, Bergström conclue que les enfants en résidence alternée souffrent de moins de problèmes psychologiques que ceux en garde exclusive. La clinicienne Malin Bergström constate également que « les enfants d’âge préscolaire et les très jeunes enfants (…) en garde alternée ont obtenu des résultats aussi bons, voire meilleurs, que ceux vivant avec un seul parent ».

SOURCES :

Étude de Malin Bergström publié en 2018 (traduite en français) :
Enfants avec deux foyers : problèmes psychologiques des jeunes âgés de 2 à 9 ans

William Fabricius

William Fabricius (États-Unis – 2017)

Professeur agrégé de psychologie à l’Université d’Arizona State (États-Unis).

Il a mené plusieurs études reconnues mondialement et publiées notamment dans la revue « Psychology, Public Policy and Laws » et dans le magzaine « SciencePost ». La recherche porte sur 217 familles unies, comprenant le père biologique, et 175 familles recomposées, avec un beau-père présent et jouant le rôle de père. L’échantillon est composé de 187 garçons et 205 filles. Ces familles appartiennent à différentes catégories sociales.

Les 392 familles passent des entretiens et remplissent un questionnaire. Elles sont ensuite suivies durant 3 ans.

Dans ses études, il démontre les avantages pour les très jeunes enfants, âgés de 2 ans et moins, à passer autant de nuit chez les deux parents. Il constate notamment un meilleur équilibre à l’adolescence et surtout des relations plus saine et plus solide avec les deux figures d’attachement : le père et la mère.

SOURCES :

Linda Nielsen

Linda Nielsen (Etats-Unis – 2014)

Professeur de psychologie de l’adolescence et de l’éducation à l’Université de Wake Forest.

Elle a mené de nombreuses recherches reconnues mondialement sur les effets de la parentalité partagée. Un de ses travaux les plus reconnus est la synthèse d’une quarantaine d’études sur le sujet sur le bien-être des enfants bénéficiant d’une garde exclusive ou partagée. Le constat est sans appel, les jeunes vivant en résidence alternée obtiennent un meilleur cursus scolaire, sont moins déprimés et plus équilibrés psychologiquement. Ils sont également moins angoissés.

Dans cette synthèse, d’autres études montrent que les enfants en résidence alternée ne se portent pas plus mal voire mieux que ceux dont la garde a été attribuée à la mère. Ces statistiques soulignent que quel que soit le mode de garde choisi, c’est le fait d’avoir une mère dépressive, des parents en conflit (ce qui peut être le cas dans tous types de famille) ou le tempérament de l’enfant qui détermine son état d’esprit.

Linda Nielsen constate que « les parents n’ont pas à être exceptionnellement coopérant, sans conflit (…) et mutuellement enthousiaste à la garde alternée pour que cela profite à l’enfant ».

SOURCE :

Richard Warshak

Richard Warshak (Etats-Unis – 2014)

Chercheur et professeur en psychologie à l’Université Southwestern Medical Center du Texas.

Il a rédigé un consensus sur le mode de garde à privilégier en cas de séparation. Le consensus international de Warshak est une méta-analyse sur plus de quarante années de publications scientifiques concernant le mode de garde après une séparation. Une méta-analyse est une étude scientifique qui compile et synthétise les résultats de différentes études en recherche médicales.

Elle permet une analyse plus précise des données par l’augmentation du nombre de cas étudiés et de tirer une conclusion globale. Pour cette raison, il s’agit du type d’étude scientifique le plus puissant en termes de preuves scientifiques.

C’est donc par une méta-analyse de toutes les études existantes des quarante dernières années que Richard Warshak établit son consensus qui a été validé par la suite par 110 experts spécialistes des sciences sociales comme Joan Kelly, psychologue, chercheuse et directrice en chef du Centre de Médiation de Californie du Nord. Selon le professeur Warshak, la garde alternée devrait être la norme pour les enfants de tout âge, y compris pour les bébés et les plus jeunes âgés de moins de 6 ans.

Mais Richard Warshak va plus loin, il constitue une méta-analyse d’une trentaine d’études qui révèle un meilleur fonctionnement émotionnel, comportemental et scolaire des enfants en garde alternée par rapport aux enfants en garde exclusive, quel que soit le niveau de conflit entre les parents.

Le chercheur souligne aussi le bénéfice de la garde alternée même en cas d’opposition de l’un des deux parents à ce mode de garde. Dans 80% des familles étant en garde alternée, l’un ou les deux parents au départ ne souhaitaient pas et n’acceptaient pas l’arrangement.

SOURCE :

Des centaines de milliers de parents en détresse

Comme évoqué en début d’article, ces situations de conflit sur la résidence concernent 10 000 familles par an. Soit environ 14 000 enfants et 20 000 parents. Sur les 5 dernières années : environ 70 000 enfants et 100 000 parents seraient concernés.

Derrière ces chiffres se cachent des milliers de parents détruits et déboussolés qui ont l’impression de vivre un véritable kidnapping légal validé par la justice. Ils sont condamnés à devenir ce que l’on appelle tristement des « parents du dimanche ». Condamné à voir leur(s) fils ou leur(s) fille(s) un week-end sur deux. Certains ont la chance d’avoir une garde élargie, d’autres voient leur(s) enfant(s) 4 jours par mois.

Les associations qui luttent pour plus de justice familiale se multiplient, certains parents montent en haut des grues, s’enchaînent devant les tribunaux, font des grèves de la faim, voir même, commettent l’irréparable. C’est la triste réalité en France aujourd’hui. Mais le gouvernement et les médias restent insensibles à tout ces cris d’alerte. Pourtant dans de nombreux pays d’Europe, souvent cités en exemple pour l’éducation et le bien-être des enfants, les choses évoluent. En Suède, la résidence alternée concerne 48% des enfants de couples séparés. Chez nos voisins, en Belgique, la résidence alternée comme principe de base a été inscrite dans la loi depuis 2006. Il y a plus de 15 ans !

Cette situation est d’autant plus affligeantes car qu’elle va à l’encontre des études validées par des centaines de chercheurs…

Comment faire évoluer la justice en France ?

Même si de nombreuses études scientifiques prouvent les bienfaits de ce mode de résidence pour les enfants, la route est encore longue pour faire changer les mentalités. La justice française a des convictions arrêtées sur le sujet et il semble vraiment compliqué de lui faire entendre raison. Des dizaines de milliers de parents s’y sont « cassés les dents » ces dernières années.

Les parents peuvent se faire accompagner par un bon avocat, monter un dossier béton, avoir des arguments solides et prouver du mieux possible leur bonne volonté, rien n’y fait. Les tribunaux croulent sous les dossiers et les affaires défilent à une vitesse folle toute la journée. En moyenne, l’audience dure 15 à 20 minutes. Parfois les parents peuvent dire quelques phrases pour se justifier et essayer d’argumenter, parfois non. En réalité, la décision est déjà souvent prise avant de rentrer dans le bureau du juge des affaires familiales.

Le chemin sera long pour faire évoluer les mentalités. Nous pensions il y a quelques années, début 2010, qu’il commençait à y avoir une prise de conscience chez certain(e)s politiques. Mais malheureusement, 10 ans après, les lignes n’ont pas beaucoup bougées. Il y a eu une petite évolution, quelques décisions de justice vont dans le bon sens, mais au vu des chiffres c’est dérisoire.

Pour qu’il y ait une réelle prise de conscience, il faudrait que les médias s’emparent massivement du sujet et que l’opinion publique en fasse l’un des enjeux majeurs du bien-être des enfants. D’ici là, on vous encourage à partager au maximum cet article. Parent(s) de France et d’ailleurs, ne lâchez rien ! Votre combat pour, vous aussi, faire partie intégrante de la vie de vos enfants est essentiel.

Bien entendu, d’autres spécialistes ne préconisent pas ce mode de garde pour les jeunes enfants. Néanmoins, les études citées ci-dessus sont les plus récentes et s’appuient sur des éléments concrets et détaillés.

Auteur : Rémy MARTINEAU
Date de publication : 10/03/2021
 
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